Cicatrice

« Une partie du deuil est hors du temps »

« Une partie du deuil est hors du temps et il est possible de faire aujourd’hui ce qu’on n’a pas pu faire autrefois » Christophe Fauré

« Cicatrice » est le récit d’un deuil à retardement. Il raconte la violence du suicide, l’intensité des blessures qu’il inflige à ceux qui restent. Il témoigne aussi et surtout d’une démarche de reconstruction par l’acceptation.

Ce projet est la première collaboration artistique réalisée avec Adrien. Rencontré sur le chemin de ce deuil, il est à l’origine de ce projet, par son incitation à “faire quelque chose de tout cela”.

Nous avons donc décidé de travailler ensemble un projet réunissant écriture et photographies. La combinaison des deux procédés a joué un rôle profondément salvateur dans le processus de deuil. Il n’est pas exagéré de dire qu’ils y ont directement contribué.

Ce projet est à la fois la part de mon histoire que je n’ai pas choisie, et celle du chemin que j’ai choisi d’emprunter pour la faire mienne et la transcender.

Hors champ, « Cicatrice » est également l’histoire d’un homme qui accompagne une femme dans la traversée d’un deuil.

A tous ceux qui m’ont tendu la main dans cette traversée,

A Adrien, pour son soutien sans faille sur le chemin du deuil, et pour m'avoir permis de réaliser ce projet,

A mon frère, Julien.

Alicia




LE CHOC : LE SUICIDE DE JULIEN

« Une personne que vous aimez s’est un jour donné la mort et, depuis, cet instant, votre vie a irrémédiablement changé de cours. Depuis, c’est le chaos. Que dire ? Comment nommer l’indicible ? Aucun mot ne semble assez fort pour décrire le vide, la détresse, l’impuissance… Et comment trouver, jour après jour, ne serait-ce que la force de se lever et de vaquer aux activités dérisoires du quotidien ? Quelles raisons se donner pour continuer à avancer, alors que soudain tout devient absurde ? Est-il même possible d’imaginer reconstruire un semblant d’existence, quand ses fonctionnements s’effondrent aussi radicalement ? » Après le suicide d’un proche, Christophe Fauré



La découverte

« La douleur, c’est peut être ça, une façon permanente d’être déraciné de l’immédiat » La délicatesse, David Foenkinos

« Pendant les jours qui ont suivi, j’ai été étranger dans ma vie » Les Souvenirs, David Foenkinos

« (…) je n’avais pas compris qu’il était mort. C’était si étrange, inexplicable. Je n’avais pas compris, pas réalisé » Le cœur régulier, Olivier Adam

Longtemps, les mots m’ont manqués pour évoquer la découverte de Julien, pendu dans le garage de la maison ce lundi 19 septembre 1994. J’éprouvais la sensation que cet événement horrible était arrivé à quelqu’un d’autre, ou, que cela m’était arrivé à moi, mais, dans une autre vie. Probablement parce qu’à 12 ans, on ne peut être suffisamment armé pour supporter une telle découverte.

Ce lundi-là, je rentre de l'école. Je vais dans le garage chercher mes céréales pour le goûter. J’y retourne une seconde fois pour poser mon paquet de céréales, et là… Mon regard est attiré par la lumière, la porte qui donne sur le jardin est ouverte, je dirige mon regard vers l’extérieur et j’y découvre Julien, pendu…

Comment se fait-il que je ne l’ai pas vu la première fois ? La force de l’esprit qui n’admet pas l’inconcevable, peut-être ?

Des moments qui ont suivi, me restent le souvenir d’avoir appelé ma mère, d’être sortie devant la maison pour trouver de l’air et hurler, d’avoir prononcé : « il faut appeler les pompiers pour le sauver », de ma mère qui me prononce « C’est trop tard », de ma mère qui compose le 18 et des voisins qui apparaissent alertés par mes cris et qui m'emmènent à l’écart.

A bien y réfléchir, le qualificatif de « sidération » est le plus approprié pour parler de ce moment. C’est d’ailleurs, après quelques recherches de définition, le terme médical qui est effectivement employé pour qualifier la réaction de l’organisme à un traumatisme. On parle alors de « sidération psychique » lorsque, face un événement traumatisant, la vie psychique s’interrompt pour sauvegarder les fonctions vitales cardiovasculaires et neurobiologiques. C’est effectivement ce que j’ai la sensation d’avoir vécu.

Aussi, les souvenirs de ce moment demeurent-ils très imprécis. Ma mémoire en a conservé des sensations d’horreur et d’incompréhension absolues. Les mots me semblent vains pour décrire ce cataclysme. L’image qui m’apparaît à l’évocation de ce moment de ma vie est celle d’un séisme : à la découverte de cet être aimé pendu, mon monde s’est écroulé, la terre, dérobée sous mes pieds. Toutes les certitudes sur lesquelles reposaient les douze premières années de ma vie, envolées. La vie a cessé d’avoir un sens.

J’ai compris depuis, à la lecture du livre de Christophe Fauré que je cite largement ici, la double difficulté de la découverte d’un proche suicidé. En effet, s’il y a l’horreur de découvrir son proche mort, s’ajoute l’atrocité d’un acte perpétré par le défunt lui-même. C’est INCONCEVABLE. Ma première réaction a été effectivement de ne pas y croire : j’ai crié « ils l’ont tué, ils l’ont tué » tant il m’était impossible d’imaginer que Julien pouvait avoir accompli ce geste lui-même.

A 12 ans, je n’avais jamais été confrontée à la mort. Longtemps, j’ai eu la sensation qu’une partie de moi était morte en ce jour funeste. L’enfance, son lot d’insouciance et de certitudes comme soufflés par une tornade.

Julien a été réanimé par les pompiers. Un voisin m’a confirmé, confiant et souriant qu’ « il avait repris des couleurs ». A ma mère, qui avait abandonné tout espoir, un pompier a dit « il faut y croire, Madame, il est jeune ».

Mes voisins, de nature quelque peu superstitieuse, m’ont dit qu’il fallait croiser les doigts. Pendant tout le temps où je suis restée avec eux, je n’ai eu de cesse de vérifier que mes doigts étaient bien croisés avec l’espoir que ce geste pourrait, on ne sait jamais, avoir un quelconque impact sur la vie de Julien.

J’ai espéré, espéré, espéré…

J’y ai cru.

Plus tard dans la soirée, j’ai retrouvé ma mère à la maison. Elle était de retour de l’hôpital, j’étais enjouée, pleine d’espoir, ma mère m’a fait comprendre que l’issue de ne serait probablement pas celle que j’espérais. Je n’ai vécu aucune déception plus cruelle. J’ai fixé le trousseau de clés de Julien sur la table de la cuisine et je me suis fait la réflexion qu’il ne s’en resservirait probablement jamais plus. Une vive douleur s’est emparée de moi.

Le lendemain, nous nous sommes rendus à l’hôpital pour le voir, Maman, Papy, Mamie et moi.

Mon père, qui était en déplacement, nous a rejoints. Je me souviens de son pas rapide pour traverser le couloir jusqu’à nous et de son visage blême et grave. Avant de nous rendre dans la chambre de Julien, nous avons été accueillis par une infirmière à la voix douce et au rouge à lèvres rose fuchsia - pourquoi, la mémoire fixe-t-elle des souvenirs aussi futiles dans ces moments ?- Je me souviens l’avoir entendue nous expliquer qu’il ne souffrait pas et qu’il était possible de lui parler, qu’il nous entendait.

Je suis rentrée dans la chambre accompagnée de ma grand-mère. Il se trouvait sous respirateur artificiel. Cette vision me terrifiait. Des petits sparadraps transparents tenaient ses yeux fermés. Le respirateur artificiel qui soulevait sa poitrine en des mouvements amples produisait un son de machine automatisée. En écrivant ces lignes, c’est la première fois que j’arrive à me souvenir précisément de son visage. La dernière fois que je l’ai vu. Le souvenir qui me revient me semble assez ressemblant. L’arsenal médical était le plus effrayant. Il était là, dans cette salle de réanimation blanche et aseptisée, où tout semblait déjà mort.

Il se trouvait “en état de mort cérébrale”. J’ai attrapé sa main. Elle était froide. J’aurais voulu l’embrasser, le serrer dans mes bras comme j’aimais tant le faire. J’avais pris l’habitude de le serrer très fort dans mes bras les mois qui avaient précédé sa mort. Avais-je senti son désespoir ? Je ne sais pas. Depuis toujours, nous étions très proches et d’aussi longtemps que je me souvienne, la peur de le perdre est une inquiétude que j’ai toujours connue.

Mais ce jour-là, je n’ai rien pu faire. J’étais paralysée par la peur. Je ne pouvais pas agir. Je voyais ma grand-mère lui parler et l’embrasser. Moi, j’en étais incapable. Je l’ai longtemps regretté.

Nous avons quitté l’hôpital, sachant que nous recevrions très probablement un appel dans les prochaines heures qui nous annoncerait sa mort. Étrangement, dans ces moments ô combien tragiques et dramatiques, j’ai été surprise de constater que nous avons été capables de rire lors du déjeuner que nous avons partagé, mes parents, mes grands-parents et moi. Nous avons ri de bon cœur. J’aime me souvenir de cela. Pourquoi ? Parce que j’y vois la preuve ultime de la force de la vie. Cela me fait penser à une image : à ces plantes qui par la force de leurs racines, craquellent le bitume pour se frayer un passage et éclore en pleine lumière.

Plus tard, j’ai demandé à mon grand-père : « comment fais-tu pour ne pas être triste ? ». Il m’a répondu, les larmes aux yeux : « tu sais, tout se passe à l’intérieur ».

 
L’enterrement

« L’enterrement a eu lieu deux jours plus tard. Ce fut un moment d’absurdité et de douleur crue hors du commun. A l’horreur de sa disparition, à la douleur de sa perte, à la stupéfaction de savoir son corps là, dans cette boite, raide et déserté par la vie, et pour toujours (…) » Le cœur régulier, Oliver Adam.

L’enterrement de Julien a eu lieu à l’église de notre quartier, la fameuse « église rouge », comme l’appelaient mes cousins. Celle qui avait connu nos cérémonies religieuses.

Lors de la préparation de la cérémonie, je faisais les cents pas dans l’allée centrale. Et dans ma tête, l’appréhension d’avoir des dizaines de regards braqués sur mes parents et moi alors que je n’avais qu’une seule envie : disparaître. Cette phrase tournant en boucle dans ma tête : « Je ne veux pas de leurs regards, je ne veux pas de leur tristesse, je ne veux pas de leur pitié »…

Je me revois marcher dans cette église, frappée de stupeur, je ne comprends toujours pas ce que je fais dans cette église : « comment mon monde a-t-il bien pu basculer en quelques jours ? ». Je ne comprends pas, j’écoute la musique que nous avons choisi pour accompagner la cérémonie, je regarde mes pieds sur le sol en jonc de mer, je regarde les reflets du soleil projetés sur le sol au travers des vitraux. La météo a été exécrable les jours qui ont précédé le geste de Julien… Depuis, ironie du sort, il fait beau… Je me sens toute petite, minuscule, écrasée par un chagrin bien trop lourd à porter.

Le jour de l’enterrement, il y eu foule. Un passant a demandé s’il s’agissait d’une manifestation.

J’avais écrit un texte pour Julien que je ne me sentais pas en mesure de lire. Une de mes tantes, très émue, l’a lu pour moi. Une phrase de ce texte est restée gravée dans ma mémoire, elle disait : « Mon frère sera toujours mon frère, qu’il soit ici ou ailleurs, il restera toujours dans mon cœur »…

Les autres souvenirs sont peu nombreux. De la musique : « High Hopes » de Metallica, de la flûte de pan et un morceau composé pour Julien par son meilleur ami du lycée. La bénédiction du cercueil. Les roses que nous avons jetées sur son cercueil au cimetière. Son groupe d’amis, directement débarqué du lycée Louis Le Grand pour l’enterrement et, au milieu de ce groupe, son meilleur ami au visage si bouleversé.

Dans mes moments de détresse, j’ai eu souvent l’envie de parler de Julien avec son ami car je savais qu’ils avaient connu une amitié intense. Néanmoins, je me sentais pas autorisée à rentrer en contact avec lui, pour diverses raisons et parce que je craignais qu’il ne juge ma démarche inappropriée. Je n’imaginais pas alors que ce serait lui qui viendrait frapper à ma porte à l’aube de mes 30 ans. Une rencontre décisive qui a signé l’amorce de ce travail de deuil.



L’incommensurable douleur de la perte

Comment trouver des mots suffisamment bien choisis pour en parler ?

Je dirais que c’est une douleur psychique insupportable, terrassante, qui vide de substance le temps présent et à venir.

La douleur psychique s’est accompagnée d’une douleur physique à l’endroit même de mon cœur :une main qui venait serrer mon cœur et le broyer. C’est cette même douleur qui est réapparue lorsque je me suis attelée à effectuer ce deuil inachevé 18 ans plus tard.

Dans les semaines qui ont suivi la mort de Julien, j’ai été littéralement assaillie par des douleurs au ventre dont l’intensité me forçait à m’allonger à terre.

Trop jeune pour faire face à l’ampleur de cette douleur, j’ai préféré la fuir au plus vite, même si le deuil n’avait pas été totalement accompli. Je n’avais alors pas suffisamment confiance en moi, en mes capacités de résistance, mes ressources, pour y faire face.




LA SURVIE

La vie qui continue

« La vie continue et doit continuer » Lettre d’adieu de Julien

Comme l’indiquait Julien, la vie a continué, sans que l’on comprenne trop comment. En effet, qu’on le veuille ou non, après le chaos, la vie reprend ses droits.

Sans qu’on n’ait eu aucun effort à effectuer, les jours ont défilé. Une vie qui ne serait jamais plus « comme avant », à laquelle il faudrait, pour autant, s’accoutumer…

« Il y avait autant d’attitudes que de personnes, mais elle avait été profondément touchée par cette façon unanime et discrète de la soutenir.

Paradoxalement, c’était aussi toutes ces manifestations qui la faisaient hésiter maintenant. Avait-elle envie de ça ? Voulait-elle vivre dans un environnement où tout ne serait que compassion et malaise ? Si elle revenait, elle devrait jouer la comédie de la vie, faire en sorte que tout aille bien. Elle ne supporterait pas de voir dans le regard des autres une douceur qui était finalement l’antichambre de la pitié » La délicatesse, David Foenkinos.

Il a donc fallu que je retourne au collège en espérant que rien n’y serait devenu différent. Retrouver un peu de « normalité ». Surtout ne pas croiser ces regards de curiosité ou de pitié.

Bien évidemment… J’ai croisé ces regards.

Pendant quelques temps, j’ai soigneusement évité de lever les yeux sur les autres, cela m’était devenu insupportable. J’avais le sentiment que les discussions, les comportements, les regards à mon égard, portaient la marque noire et engluante de la mort et du suicide.

Lors de mes premières journées au collège, deux professeurs, voulant me témoigner de leur soutien, m’avaient embrassée devant mes camarades. C’était sans doute la dernière chose que je souhaitais. Je ne désirais qu’une seule chose : qu’on m’oublie, et qu’on me traite comme les autres. J’aspirais à la vie normale. Retrouver des réactions normales de la part d’autrui, des réactions rassurantes, qui ne me projetteraient pas une image inquiétante de moi.

Je me sentais particulièrement « différente ».

Je ne saurais dire si c’était une projection de ma part ou une réalité. J’avais le sentiment d’effrayer mes camarades : je n’étais pas insouciante comme eux, je faisais semblant et je ne devais pas être très convaincante. C’est un souvenir douloureux. Je n’arrivais pas à être en phase avec eux, je les sentais en harmonie avec leur temps, alors que moi, je me réfugiais dans mes rêveries et mes interrogations existentielles. Je me sentais en décalage complet. Je m’interrogeais sur le sens de la vie à l’âge où les autres me semblaient davantage préoccupés par leurs amourettes naissantes.

Je souffrais de n’avoir personne de mon âge à qui parler de mon frère. Le peu de fois où j’avais tenté de l’évoquer avec mes amis, je ne pouvais que constater leur embarras et leur désarroi. Je n’ai donc pas réitéré. Pour ne pas déranger, et, ne pas faire fuir.

 
Protéger mes parents

Des phrases me revenaient souvent en tête, prononcées par des adultes bien intentionnés qui n’imaginaient probablement pas que je n’aurai de cesse d’appliquer ces préceptes des années durant. Intégrées tant et si bien que je n’en ai jamais parlé à mes parents. Cela allait de soi. C’était des adultes, ils avaient raison.

Ainsi se sont ancrées des pensées telles que : « Il faut que tu sois forte pour tes parents. Il ne reste plus que toi ».

« ne pas se laisser aller, quelle étrange expression. On se laisse aller quoi qu’il arrive. La vie consiste à se laisser aller. Elle, c’était tout ce qu’elle voulait : se laisser aller » La délicatesse, David Foenkinos

Rien de pire pour un enfant que de voir ses parents souffrir, je voulais faire tout mon possible pour alléger leur souffrance. J’avais décidé de ne leur causer aucun tracas, aucune inquiétude supplémentaire. Je n’ai fait aucun des écarts de conduite, même minime, si caractéristique d’une adolescence classique.

Les protéger, les épargner était devenu mon objectif principal…

 
La fuite dans le travail scolaire

« Elle voulait juste travailler pour ne pas penser, être dans le vide » La délicatesse, David Foenkinos

« Si tu veux, tu réussiras », mot laissé à mon intention par Julien accompagné d’un livre sur les méthodes d’apprentissage scolaire.

Je me suis vite rendue compte que lorsque je travaillais, je ne pensais pas, plus rien n’existait d’autre que la matière que j’étudiais. Par la concentration, j’arrivais à fuir la souffrance. Elle me laissait du répit. Au moment du décès de Julien, ma professeure principale avait été étonnée de constater que je parvenais sans problème à me concentrer. Pour tous, c’était le signe que j’allais bien… Cela masquait en réalité une fuite. Une fuite en avant qui ne laissait rien transparaître de mon mal-être. Une fuite qui permettait à mes parents de ne pas avoir de tracas plus encore…

Il s’agissait aussi de réussir à l’école pour répondre à ce que j’interprétais comme des injonctions de Julien dans les écrits qu’il m’avait laissés, par souci de réparation également : pour réussir pour deux.

 
Le tryptique des émotions liées au processus de deuil suicide : le questionnement, la culpabilité et la colère

« Le suicide est la résultante d’un processus dont les racines se perdent dans l’extrême complexité de l’être humain » Après le suicide d’un proche, Christophe Fauré

« Pourquoi ??? »

Cette interrogation a raisonné dans ma tête un milliard de fois. Julien a laissé une lettre d’adieu dans laquelle il ne s’explique pas bien lui-même la raison de son acte. Il y a un mal-être indéniable, un peu de dépression sans doute mais pourquoi certains passent-ils à l’acte et d’autres pas, cela reste un mystère. J’ai cherché LA réponse. LA réponse est… qu’il n’y en a pas !

Je me remémore d’avoir dit cela à mes parents, du haut de mes douze ans et demi : « Mais, pourquoi ??? Il avait tout pour être heureux !!! »

Je n’ai véritablement pas compris tout de suite, je n’étais pas encore passée par les affres de l’adolescence et pour moi, Julien était le calme, celui à qui tout réussissait, le « brillant », celui qui n’avait aucune raison « objective » de mettre fin à ses jours.

L’absence de réponse franche n’est pas pour rassurer la société bien-pensante : « Pour commettre un tel acte, c’est bien qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans leur famille ?! ». Des propos de ce type m’ont été rapportés, ainsi que des ragots de voisinage, des phrases que l’on se dit sans doute pour se rassurer sur le fait que l’inconcevable ne pourra s’introduire chez soi.

Le sentiment de « honte » a été présent chez moi. La peur du jugement. La confusion entre « mon histoire » et « moi ». J’ai vécu une histoire horrible, je suis horrible…

« Quand on annonce la mort de quelqu’un, demander la cause du décès est réaction courante. Cette question ne pose pas habituellement de problème, sauf quand il s’agit d’un suicide. On est beaucoup plus réticents à en parler car on craint les silences gênés, les paroles malheureuses, voire le jugement d’autrui. Alors que dans une maladie, comme le cancer, on ne s’appesantit pas sur l’origine, on constate que, dans le suicide, l’entourage a tendance à se focaliser sur l’acte suicidaire et ses raisons, en s’autorisant même des jugements de valeur ou des opinions personnelles (non sollicitées…) sur son bien-fondé. Le proche en deuil peut parfois même se retrouver dans la situation absurde où il se sent obliger d’expliquer, d’argumenter, de justifier, et de même de se faire « pardonner » l’acte suicidaire ! » Après le suicide d’un proche, Christophe Fauré

La culpabilité avec son cortège de « et si… ??? » est arrivée.

Pour ma part, la culpabilité de ne pas l’avoir vu, lorsque, une première fois, je suis passée dans le garage sans voir son corps. Je l’ai probablement vu mais j’ai refusé la réalité. Je ne vois pas comment il pourrait en avoir été autrement… La porte donnant sur le jardin était ouverte, laissant passer la lumière, j’aurais dû regarder, attirée par cet aspect inhabituel des choses. L’esprit a un pouvoir fou. Je suis donc allée prendre mon paquet de céréales, j’ai fait demi-tour. Je suis allée goûter, séparée par une seule cloison de mon frère pendu au bout d’une corde!

Aujourd’hui, je sais, rationnellement que cela n’aurait probablement rien changé et, que si cela avait permis de le sauver, il aurait sans doute eu d’énormes séquelles.

Il y a également eu la culpabilité d’avoir ouvert le tiroir de sa commode quelques jours auparavant, d’y avoir trouvé la corde et de n’avoir rien dit, rien demandé... Mais rien, aucun indice, n’indiquait qu’il allait commettre un tel acte. Il avait bien pris soin de ne rien laisser transparaître.

La culpabilité est une composante intrinsèque du deuil lié au suicide. Malgré tous les arguments rationnels, elle vient s’imposer. Peut-être est-ce une nécessité, une sorte d’étape dans le travail de deuil et de l’acceptation même de l’idée de suicide.

Puis est venue la colère. Une colère immense et très culpabilisante à ressentir. Comment en vouloir à un être si fragile, si vulnérable et qui a tant souffert ? Comment en vouloir à ce grand frère tant aimé, avec qui j’avais vécu cette si belle histoire fraternelle fusionnelle ?

Et pourtant, comment ne pas lui en vouloir de l’onde de choc produite par son geste ? A l’âge de l’adolescence où l’on se pose la question de sa vie, de sa mort, j’avais la sensation qu’il m’avait laissée dans une obligation de vivre. Je n’avais pas le choix. Pour mes parents, je devais vivre. Lui, il avait décidé de partir et il me laissait seule face à ce chaos. Face à une vie dans laquelle mes repères avaient complètement explosé.

Je ne crois pas qu’il y ait de chronologie particulière à l’apparition de ces trois émotions si symptomatiques du deuil d’une personne suicidée (questionnement, colère, culpabilité) : elles apparaissent successivement, concomitament, tour à tour au fil de la vie et de nos moments de fragilité.

Pour autant, il est une certitude, elles s’adoucissent avec le temps : d’un tintamarre bruyant, elles se transforment en un petit tintement de plus en plus discret au fur et à mesure que le deuil s’effectue.

 
La vie d’avant / La vie d’après

La vie d’avant avait disparu.

De cette période de basculement dans cette nouvelle vie sans Julien, j’en ai conservé des images : la banquette de la voiture vide à côté de moi, le tabouret de la cuisine désormais inoccupé. Sa chambre intacte avec ses affaires d’école et les châteaux forts Légo que nous avions tous reconstruits ensemble peu de temps avant sa mort.

J’ai passé de longs moments de mon adolescence à errer dans sa chambre, comme pour essayer de le retrouver un peu. Je cherchais des explications qui donneraient un sens à ce geste insensé. Je cherchais des signes de sa part pour me prouver qu’il ne m’avait pas abandonnée.

Mais, non, rien n’était plus comme avant.

L’atmosphère dans la maison est devenue plus lourde, la souffrance, la douleur, le désespoir avait eu raison de la chaleur de jadis.

J’en voulais énormément à mon frère. Je lui en voulais d’avoir tout détruit, d’avoir occasionné tant de dommages collatéraux. Le jardin d’Eden de l’enfance avait été effacé, totalement remplacé par une réalité noire et douloureuse.

Je me sentais abandonnée et il m’avait laissée seule pour gérer cela.

Il me disait dans sa lettre qu’il « serait là ». Mais où était-il ? Je me sentais seule, désespérément seule à devoir affronter une épreuve bien trop grande, bien trop lourde pour la « petite Alicia » que je pensais être. Et c’est sans doute ainsi que s’est installé le déni.




LE DÉNI

Les causes de mon déni sont sans aucun doute multiples. L’esprit humain a des capacités incroyables et infinies. A la mort de Julien, j’ai accepté de faire ce deuil jusqu’au point où je me pensais en mesure d’aller. J’en ai accompli une partie puis, épuisée par l’ampleur d’un deuil trop douloureux à accomplir, je l’ai abandonné en chemin. Sans doute pour me protéger, pour ne pas sombrer ou par crainte de sombrer.



Le syndrome de stress post-traumatique

J’impute au syndrome post-traumatique la cause même de ce déni, associé, sans doute à mon jeune âge au moment des faits.

« Une fois le choc passé, il se développe chez certaines personnes, ce qu’on appelle un syndrome de stress Post-traumatique. [...]

Alors, il est dit que la personne la plus exposée au risque de PTSD est celle qui découvre le corps, dans des conditions le plus souvent tragiques, et avec un risque d’autant plus élevé que cette découverte est totalement fortuite, prenant le témoin par surprise […]

Intérieurement, on se protège-inconsciemment- par ce qu’on appelle la « dissociation ». ce terme traduit une mise à distance intérieure de l’événement dont on se coupe pour ne pas être submergé par la violence. » Après le suicide d’un proche, Christophe Fauré

Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, j’ai mis à distance cet événement, considérant qu’il ne faisait pas partie intégrante de moi.

Lorsque j’étais enceinte de ma fille, la sage-femme m’avait interrogée sur ma fratrie. J’avais répondu que j’avais un frère décédé. Elle avait voulu en savoir plus et m’avait questionnée. Je n’avais pas compris, j’avais été agacée. Je ne voyais pas le rapport, c’était mon passé, je n’étais pas là pour en parler! Cela ne concernait pas ma grossesse. Je ne voulais parler que de vie et de l’avenir. En réalité, ce que je percevais comme du voyeurisme n’était rien d’autre qu’une mise en garde bienveillante sur le fait que donner la vie n’était pas un acte anodin et que tout était lié. Je ne l’ai compris que le jour de mon accouchement lorsque le visage de mon frère m’est apparu au moment même où je peinais à donner la vie. Là, j’ai compris que vie et mort n’étais pas distincts mais entremêlés.

« Un état d’hypervigilance caractérise également le PTSD. On se sent constamment en état d’alerte, sous tension, comme aux aguets, et, là encore, cela expose à une baisse des performances intellectuelles, à des troubles du sommeil, à une incapacité à de détendre.

[…] Il est dit que ce stresse chronique traduit un état intérieure où la personne traumatisée anticipe et redoute la survenue d’une nouvelle catastrophe. » Après le suicide d’un proche, Christophe Fauré

Toutes ces dernières années, la pensée qu’un événement similaires ou du moins aussi catastrophique et inattendu pouvait se produire ne m’a pas quittée. Si aujourd’hui, je me sens en paix avec tout ce que j’ai pu évoquer plus haut en terme de traumatismes, il serait malhonnête de prétendre que cette réaction d’inquiétude exacerbée a disparu. En revanche, j’ai appris à l’apprivoiser.

 
Il y a toujours pire…

« Nous sommes en conflit intérieur à chaque fois qu’il y a divergence entre nos pensées – ce que nous pensons que nous devrions faire ou ressentir – et nos émotions ou nos attitude profondes.

Tant que le conflit n’est pas résolu, c’est-à-dire que nous choisissons d’agir sans tenir compte de notre ressenti ou à l’opposé de notre ressenti, ou encore que nous décidons d’ignorer ce que nous ressentons et de ne rien faire, c’est que nous sommes coupés de l’enfant qui est en nous, qu’en quelque sorte nous l’avons abandonné. Cette fêlure intérieure est la cause de notre agitation et de notre mal de vivre » Renouer avec votre enfant intérieur, Margaret Paul

J’avais toujours la sensation que les autres s’en sortaient mieux que moi. Que je n’avais pas à me plaindre car, contrairement à mes parents, je n’avais perdu « que » mon frère.

J’ai appris depuis que la ritournelle ” Il y a toujours pire” ne résout rien, elle ne sert qu’à nier sa propre souffrance et, comment la dépasser si elle ne peut être reconnue?

 
Fusion et souffrance

Je crois que la nature même de la relation -une relation fusionnelle- qui m’a unie à mon frère a pu jouer un rôle fondamental dans ce déni.

C’est l’adjectif “fusionnel” qui me venait lorsque je me remémorais la relation qui m’unissait à mon frère. Sur le parcours de mon deuil, j’ai demandé à mes deux parents, séparément de qualifier cette relation, c’est ce terme qu’ils ont tous les deux spontanément choisi.

Je m’interroge donc sur le sens profond de cet adjectif. Sur le fait que moi-même je n’osais l’employer pour parler de ma relation à mon frère avant que je n’ose ouvrir la porte de ce deuil l’année de mes 30 ans. J’ai donc cherché la définition et, voici ce que j’y ai trouvé : « Se dit de deux (ou plusieurs) personnes dont les liens affectifs sont si forts qu’elles ne peuvent se passer l’une de l’autre sans en ressentir une grande souffrance. »

Reconnaître ce lien, c’était donc reconnaître ma souffrance. Voilà pourquoi, je me suis attachée à ne pas l’évoquer durant toutes ces longues années.

« Égoïste encore envers Alicia qui est très attachée à moi et à laquelle je suis très attaché. J’ai peur de l’entraîner dans ma chute. » Lettre d’adieu de Julien.




DEUIL

« Une partie du deuil est hors du temps et il est possible de faire aujourd’hui ce qu’on n’a pas pu faire autrefois. » Christophe Fauré

« Enterrer les morts et réparer les vivants » Platonov, Anton Tchekhov



Fissuration du déni

En 2010, à la naissance de ma fille, j’avais pu percevoir quelques signes avant-coureurs de la fissuration de ce déni. L’accouchement durant lequel j’avais ressenti un télescopage entre ma mort possible, celle de ma fille et celle, réelle de mon frère. Tout cela mélangé au bonheur et à l’émotion indicibles de l’amour pour son enfant. J’avais alors beaucoup pensé à ma mère et à l’aune du bonheur que je ressentais d’être mère, je me disais que je pouvais imaginer, “en négatif”, le malheur que cela pouvait être de perdre son enfant, tout en ayant conscience que ce que je parvenais maintenant à imaginer devait demeurer malgré tout bien en deçà de la réalité. J’ai beaucoup pleuré en y pensant. Néanmoins, à ce moment précis de ma vie, la souffrance commençait à poindre mais ce n’était pas le moment de la laisser éclater, ma fille ayant trop besoin de moi.

Un an plus tard, le meilleur ami de Julien a repris contact avec moi via internet. Sur le coup, cela m’a considérablement déstabilisée, la proximité de ce dernier avec mon frère et le fait que nous n’ayons eu aucun contact depuis la mort de Julien, me donnait la sensation d’un fantôme qui venait frapper subitement à ma porte.

Après quelques échanges de mails, nous décidons de nous voir pour échanger de vive voix. Cette rencontre, qui intervient au printemps 2012, achève de fissurer mon déni.

J’avais conscience que cette rencontre serait déterminante dans mon parcours de vie. J’ai le souvenir d’une image qui se présentait sans cesse à moi le jour de ce rendez-vous : l’image d’un carrefour. Si j’y allais, je savais que cela me ferait inévitablement bifurquer. Je ne savais pas encore de quelle manière, (j’étais alors persuadée jusque là d’avoir fait le deuil de Julien), je mesurais seulement que que cela risquait d’être bouleversant et impactant. Il a fallu rassembler tout mon courage pour ne pas faire demi-tour.

Étonnamment, la rencontre et la discussion se sont déroulées de manière très naturelle. Julien était le trait-d’union qui permettait cet échange fluide entre deux personnes qui ne s’étaient croisées que de rares fois pendant leur enfance. Je ne me souviens pas que nous ayons eu du mal à aborder la conversation autour de Julien. Naturellement, nous avons parlé de la manière dont nous avions vécu sa mort, dont cela nous avait impacté à l’époque, et de ce qui nous touchait encore. C’est lorsqu’il a évoqué sa souffrance et les stigmates qu’il conservait du décès de Julien que s’est produit une révélation. En effet, j’ai réalisé pour la première fois de ma vie que je pourrais également avoir le droit d’en être marquée. C’est un choc, si son amis souffre, c’est que moi, sa soeur, je peux souffrir aussi. Cette souffrance est légitime et n’est pas un aveu de faiblesse. Et là… La porte s’ouvre.

J’ouvre la porte de ma souffrance et je me rends compte qu’elle est abyssale parce qu’étouffée depuis trop longtemps. Le déni vole en éclat. Le deuil reprend là où il s’était prématurément arrêté. Je me sens littéralement submergée. Je ne parviens plus à être présente aux autres et au monde. Je suis abasourdie, je ne comprends plus le monde qui m’entoure. La douleur d’une main qui serre atrocement mon coeur revient.

« “Vagues de désespoir et d’angoisse”

Tout à coup, sans crier gare, une vague arrive, me submerge. J’ai la sensation qu’une main invisible vient me serrer le coeur comme pour le broyer. je suis angoissée, désespérée. Je pourrais être entourée d’une foule, je me sens seule. J’ai envie d’appeler quelqu’un au secours mais ce quelqu’un, c’est mon frère.

Personne ne peut me sortir de là. Je sais qu’il faut que j’attende. Cela va passer. Une histoire de minutes, d’heures.

La vie va finir par reprendre ses droits. En attendant, j’ai mal, je souffre dans mon coeur, mon corps, je me sens meurtrie, oppressée. Et cette envie d’être “hors monde”. La douleur me paralyse, m’anesthésie et me rend “inaccessible”. Comme si la vie se mettait entre parenthèses. La tentation est grande de fuir, de dormir, se mettre en pause. Mais non, je tiendrai, je le sais, je le sens. Cette douleur finira par s’atténuer, les témoignages sont unanimes et j’y crois.

L’intellectualisation ne fonctionne pas. il faut accueillir, accepter, respirer, attendre, avoir confiance, se dire que c’est normal, voire même utile. »

Alicia, notes, mai 2012

 
Un moment de ma vie “extraordinaire”

A ce moment, je viens de passer un cap, celui des 30 ans. J’ai déjà croisé sur ma route un nombre considérable de personnes “significatives” dans ma jeune vie. Lorsque je parle de “rencontres significatives”, je fais référence à ces personnes qui vous invitent à regarder les choses autrement, qui vous enrichissent par leur ouverture d’esprit, et qui en définitive, vous font évoluer. Je m’estime particulièrement chanceuse dans ce domaine.

Ce deuil fut particulièrement dense et actif. Une période incroyablement riche.

J’avais donc choisi de ne plus cacher ma souffrance et mon deuil aux personnes en qui je ressentais un écho possible : des amis proches, des connaissances, des collègues ou même parfois jusqu'à de parfaits inconnus rencontrés au hasard d’un trajet RER ou d’un après-midi lecture dans un parc ! Je n’ai jamais connu de déception: toutes les personnes à qui je me suis adressée m’ont guidées ou soutenues chacune à leur manière.

Une nécessité m’apparaissait clairement : je ne pouvais pas m’en sortir seule. Je devais me connecter à l’humain, à sa souffrance, dans sa dimension la plus universelle. Je n’étais qu’une infime parcelle de ce tout solidaire, qui, si j’en percevais l’universalité, me permettrait de continuer à vivre.

Alors, je me suis appuyée sur mon entourage et j’ai organisé ma démarche de deuil autour de deux démarches concomitantes.

Consciente que le souvenir de Julien n’existait plus dans mémoire que sous le prisme de sa mort, j’ai sollicité ceux qui avaient connu Julien, dans une démarche d’ « appels aux souvenirs » afin de parvenir à raviver en moi ce que j’avais alors appelé « la flamme de son souvenir ». Dans un élan de solidarité incroyable, j’ai reçu davantage de réponse que le nombre de destinataires à qui j’avais envoyé ce mail. Ces retours ont été bouleversant et m’ont permis de renouer peu à peu avec une image heureuse de ce qu’avait été Julien. Julien avait vécu, une vie qui s’était terminé sur une note infiniment douloureuse et triste, mais qui ne reflétait en rien la réalité de ce que nous avions partagé.

Par ailleurs, j’ai rédigé un long mail à mes amis dans lequel j’ai raconté ce que j’ai vécu. Je ne m’en étais jusque là ouverte que par bribes. J’assumais enfin cette histoire, comme une partie intégrante de ce que j’étais. Sans exception, mes amis ont eu des réactions emplies de compassion, de respect et d’affection.

Cela m’a considérablement aidée. Dans ces témoignages d’affection et de soutien, j’y ai puisé la force nécessaire pour achever ce deuil.

 
J’accepte la mort et le doute

Lorsque j’avais rencontré le meilleur ami de Julien, nous avions évoqué la mort. Comme à mon habitude depuis la mort de Julien, j’avais affirmé sur un ton péremptoire : « après la mort, je pense qu’il n’y a rien ». Il m’avait fait remarqué mon pessimisme et mon manque d’humilité. Qui peut bien se targuer de détenir de telles certitudes en ce domaine?

Cette discussion a constitué l’amorce de mon évolution sur le sujet. Je me suis demandée ce qui m’avait conduit à avoir une attitude aussi tranchée vis à vis de la mort. Peut-être par crainte d’une ultime déception au crépuscule de ma vie? J’ai le sentiment également, qu’il y avait aussi une volonté de faire payer à la vie son manque d’indulgence à mon égard. Je pense enfin que sans en avoir conscience, penser que la mort n’était “rien” était une manière de refuser la mort elle-même.

Pourquoi me priver de laisser le doute entrer dans ma vie et disséminer quelques lueurs d’espoir? Alors le cynisme de mes anciennes certitudes a laissé place à l’infinie douceur de l’incertitude.



« There is a crack in everything, that’s how the light gets in. » Leonard Cohen


Ce deuil est désormais derrière moi. Cette histoire est mon histoire. Elle fait partie de moi. Le souvenir de Julien m’habite dorénavant. C’est une part constitutive de ce que je suis. Je l’assume pleinement et je n’en ai plus peur.

Mes 30 ans ont été un tournant décisif. Il fallait que je renoue avec mon histoire pour renouer avec moi-même.

Je me suis confrontée à ce deuil, je l’ai mené à bien. Aujourd’hui, cela m’a donné de l’assurance et, la certitude de l’existence de ma force intérieure.

Sur le chemin de ce deuil, j’y ai fait une magnifique rencontre, de celles qu’il n’est pas donné de faire deux fois dans une vie : Adrien.

Ensemble, nous poursuivons notre chemin, main dans la main. La vie est pleine de promesses.



Materiel

Canon 5D Mark II

Prise de vue

2014-2016

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